Politique

Zineb El Adaoui : les défis du contrôle public

  • Par : Abderrafie Hamdi //

Devant un parterre de députés et conseillers réunis en séance commune des deux chambres du Parlement, avec une absence remarquée de plusieurs membres, le rapport annuel 2023-2024 de la Cours supérieure des comptes a été présenté. Cette institution, indépendante des pouvoirs législatif et exécutif, joue un rôle clé dans la rationalisation de la gestion des deniers publics.

Comme chacun le sait, le contrôle de la gestion des affaires publiques, qu’il soit financier (cours des comptes), politique (Parlement) ou populaire (élections), constitue un pilier essentiel de la bonne gouvernance et de la démocratie. Ces mécanismes garantissent transparence, intégrité et limitation des abus ou de la corruption.

L’évolution du contrôle financier au Maroc reflète, sans risque d’exagération, celle du processus démocratique. Tous deux ont emprunté des chemins parallèles, marqués par des étapes significatives.

Dès les années 1960, la Commission nationale des comptes a été créée, avec pour mission la régularisation des comptes des comptables publics. En 1979, le Conseil supérieur des comptes a vu le jour. Cette institution, alors dirigée par feu Abdesadek El Glaoui, avait pour mandat de vérifier la légalité des recettes et dépenses des entités sous sa supervision, tout en sanctionnant les violations des règles.

El Glaoui, fils du célèbre pacha Thami El Glaoui, est resté à la tête de l’institution pendant 26 ans.
Sous l’effet des réformes des années 1990, marquées par l’ouverture politique et les arrangements de transition démocratique, la Constitution de 1996 a consacré le rôle de la cours supérieure des comptes dans la supervision de l’exécution des lois de finances.

Cependant, l’essor réel de cette institution s’est produit à partir de 2002, avec l’adoption du Code des juridictions financières et la nomination d’Ahmed El Midaoui comme premier président après un passage au ministère de l’Intérieur.

À cette époque, les rapports annuels de la cours sont devenus un événement suivi de près par les médias, nourrissant tantôt des débats publics constructifs, tantôt des polémiques politiques.

La Constitution de 2011 a encore renforcé le rôle du Conseil supérieur des comptes, élargissant son soutien aux autres acteurs publics, tels que le Parlement, le gouvernement et la justice. Sous la présidence d’Idriss Jettou, cette institution a consolidé son image d’organisme de contrôle crédible et incontournable.

Malheureusement, si le contrôle politique exercé par le Parlement sur les politiques publiques bénéficie d’un cadre constitutionnel solide, sa mise en pratique reste en deçà des attentes. Quant au contrôle populaire via les élections, il demeure une énigme dont les débuts sont connus mais la fin imprévisible.

Cette situation explique en partie l’attachement des Marocains à d’autres institutions de gouvernance, notamment la coure supérieure des comptes, qui offre une évaluation professionnelle et impartiale des performances des acteurs publics.

Lors de sa présentation, Mme Zineb El Adaoui, présidente actuelle du Conseil, a démontré que son institution ne se limite plus à surveiller la gestion des finances publiques.

Elle évalue désormais des projets structurants d’envergure nationale, tels que l’énergie, l’eau ou encore l’organisation du Maroc à la Coupe du monde en 2030.

À ce stade, il semble indispensable que la cours franchisse une étape supplémentaire en évaluant la « facture » des opportunités manquées. Combien coûtent aux collectivités locales, aux régions, ou au pays dans son ensemble les retards, refus ou absences de décisions à des moments critiques ?

Ces décisions manquées représentent souvent une perte plus importante que les mauvaises gestions financières elles-mêmes.

Un exemple frappant est celui d’un président d’une commune rurale, accusé de mauvaise gestion pour avoir dépensé quelques milliers de dirhams dans l’achat de nourriture pour des animaux… alors que la seule mule de la commune était déjà morte.

Pourtant, personne ne l’a tenu responsable des retards dans la délivrance d’autorisations à des PME prêtes à s’installer sur le territoire de sa commune.

Ces entreprises auraient pu booster les revenus de la commune et offrir des emplois à ses habitants.
De tels exemples se multiplient à tous les niveaux et dans toutes les régions du Maroc.

Ils montrent que le véritable défi réside désormais dans un contrôle préventif et une évaluation stratégique des décisions.

Car, comme le démontre l’expérience, il ne suffit pas de gérer efficacement ce qui existe : il faut aussi anticiper les opportunités et éviter que les occasions ne se perdent, au détriment du développement et du bien-être collectif.

          

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