Monde Aujourd’hui

Trump : le Pape du populisme après cent jours au pouvoir

  • Abderrafie Hamdi //

La tradition veut que l’on évalue les cent premiers jours d’un président comme un moment-clé de son empreinte politique. C’est Franklin D. Roosevelt qui, en 1933, a imposé cette idée en lançant une série de réformes d’urgence dès son arrivée à la Maison Blanche. Depuis, cette « période d’essai » est devenue un repère symbolique dans la vie démocratique américaine.

En janvier 2025, Donald Trump entame un second mandat dans un climat encore plus polarisé qu’en 2017. Et une chose est déjà certaine : ceux qui pensaient que Trump n’était qu’un tribun provocateur sans réelle capacité d’action se sont trompés. Dès ses premières décisions, il a montré que le discours était pour lui un prélude à l’acte, et non un simple instrument de séduction électorale. Ses cent premiers jours ont été, une fois de plus, le théâtre d’une gouvernance à haute intensité, marquée par la volonté de concrétiser, coûte que coûte, les promesses de sa base.

Ce qui frappe dans ce début de mandat, ce n’est pas tant l’ampleur des décisions prises que la manière dont elles s’imposent contre les inerties habituelles de l’État. Trump a compris – parfois douloureusement lors de son premier passage à la Maison Blanche – que le principal obstacle à sa vision n’était ni l’opposition démocrate, ni les médias, mais cette “deep state” composée d’agents fédéraux, de hauts fonctionnaires, de juges, d’experts permanents qui, par leur prudence institutionnelle, freinent toute rupture brutale. Une culture du compromis héritée de l’Europe, plus que de la tradition américaine, selon Trump lui-même, qui rêve d’une Amérique renouant avec la force, l’audace et la grandeur.

J’étais moi-même tenté par cette lecture. Lorsque j’ai exprimé cette intuition dans les tout premiers jours de son investiture, lors d’un échange informel en marge d’une rencontre internationale avec l’ancien Premier ministre français Jean-Pierre Raffarin, celui-ci n’a pas hésité à déclarer : « L’Amérique et le monde viennent d’entrer dans une ère nouvelle. Et avec Trump, les surprises vont venir plus vite que les mots. »

La dynamique populiste qu’il incarne s’étend désormais bien au-delà des États-Unis. Trump est devenu, qu’on le veuille ou non, le parrain symbolique des populismes contemporains : des conservateurs britanniques post-Brexit, à Viktor Orbán en Hongrie, en passant par l’Italie de Giorgia Meloni, et jusqu’au Brésil ou à Israël, les résonances de son style sont palpables. S’il réussit à stabiliser son second mandat, cela donnerait un souffle nouveau à ces forces.

S’il échoue, c’est peut-être l’ordre libéral global qui en sortira renforcé.
Le vent du conservatisme, soufflé par l’ère Trump, ne s’est pas arrêté aux frontières américaines. Le monde catholique lui-même semble aujourd’hui s’inscrire, à sa manière, dans ce moment global. L’élection du pape Léo XIV, aux accents plus traditionnels que son prédécesseur François, pourrait être l’un des signes de cette réorientation culturelle et spirituelle à l’échelle planétaire, où la défense de l’identité prend le pas sur les élans d’ouverture.

Ce glissement idéologique s’inscrit dans une dynamique mondiale où la tentation du repli, de la souveraineté morale et de l’autorité dogmatique gagne du terrain — un terrain que le trumpisme, bien au-delà de la personne de Trump, a puissamment labouré.

Reste une inquiétude de fond : la politique selon Trump est une politique du « nous d’abord », qui sacralise la nation, les frontières, les intérêts immédiats. En d’autres termes, un repli stratégique qui bouscule les équilibres mondiaux. Paradoxalement, cet homme d’affaires, supposé chantre du libre-échange et de la mondialisation, semble avoir trouvé son salut dans une rhétorique opposée à l’esprit même du marché.

C’est peut-être là le vrai tournant : quand le capitalisme se met à parler le langage de la souveraineté, les règles du jeu global changent — et pas toujours dans le sens de la paix ni de la coop.

          

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