Remaniement…pourquoi?
- ABDERRAFIE HAMDI //
Lorsque Aziz Akhannouch est né en 1961, le Maroc indépendant avait déjà été dirigé par trois chefs de gouvernement sous la conduite de feu Mohammed V : Mbarek Bekkaï (1955), Abdallah Ibrahim (1958-1960), et Ahmed Balafrej (1960).
De plus, un quatrième gouvernement fut directement conduit par le Roi du 20 mai 1960 au 26 février 1961, date de son décès, que Dieu ait son âme. En 2021, lorsqu’il atteint ses 60 ans, M. Aziz devient le 17e chef de gouvernement du Maroc depuis l’indépendance.
Avant l’expérience du gouvernement d’alternance, le concept de «remaniement gouvernemental» n’était pas largement utilisé dans le discours politique marocain.
On parlait plutôt du remplacement , changement d’un ministre par un autre, sans qu’il soit nécessaire de maintenir un équilibre politique ou partisan. Le ministre, en tant que Homme politique, était changé comme n’importe quel haut fonctionnaire.
Le remplacement des ministres n’était pas une affaire publique, encore moins une préoccupation des partis participants au gouvernement. Cela relevait des cercles fermés et des salons de Rabat et Casablanca.
Parmi les citations les plus célèbres dans ce domaine, il y a celle de Georges Clemenceau, alors Premier ministre français : « Il faut savoir changer de ministres comme on change de chemise: à l’usure».
Cependant, depuis le gouvernement de Abderrahmane Youssoufi, le remaniement à mi-mandat est devenu une coutume politique, anticipée par les acteurs politiques, notamment les partis, souvent sans raison politique impérieuse faisaient la queue et attendent cette « opportunité».
Cependant , Les politologues distinguent plusieurs situations où un remaniement devient nécessaire:
1. Conflits internes : Si des tensions éclatent entre les ministres ou entre certains d’entre eux et le chef du gouvernement. Dans ce cas, le remaniement sert à préserver la cohésion de l’équipe.
Comme l’a souligné le politologue Philippe Braud : « Les gouvernements sont parfois réorganisés pour des raisons de survie politique, afin d’éviter l’effritement de la majorité ou la perte de confiance populaire. »
2. Démission(s) : Lorsqu’un ou plusieurs ministres démissionnent pour des raisons personnelles, judiciaires ou morales, un remaniement s’impose de facto.
Comme l’a déclaré l’ancien Premier ministre français François Fillon : « Il faut savoir partir quand on ne peut plus assumer pleinement ses responsabilités. »
3. Changement de majorité : Lorsque la majorité parlementaire nécessaire pour soutenir le gouvernement se modifie, un remaniement devient inévitable pour éviter la chute de l’exécutif.
4. Blocage gouvernemental : Si le chef du gouvernement constate un ralentissement ou un échec dans la mise en œuvre du programme pour lequel le gouvernement a obtenu la confiance du Parlement et du peuple, un remaniement devient nécessaire pour rétablir cette confiance, selon le politologue Yves Mény:« Le remaniement ministériel est souvent un outil pour répondre aux crises de confiance et aux attentes d’une majorité fragilisée.»
5. Nouveaux défis nationaux : L’apparition de crises économiques, ou sécuritaires, ou encore la menace sur l’intégrité territoriale, peuvent obliger le chef du gouvernement à remanier son équipe pour y intégrer de nouvelles compétences ou de nouveaux acteurs politiques capables de mieux répondre à ces défis.
6. Pressions partisanes : Ce cas semble spécifique à notre pays, où le remaniement vise souvent à réduire la pression sur les chefs de partis en leur offrant des postes.
Ainsi, le remaniement devient un outil de gestion partisane, la politique se réduisant à une course aux opportunités de promotion individuelle.
Dans le meilleur des cas, lorsqu’on ne peut pas changer la politique dans un secteur donné, on change le ministre pour donner l’impression au public que le problème vient des personnes et non de la volonté ou de la vision politique.
Il n’est donc pas surprenant que le remaniement attendu aujourd’hui survienne après que deux partis au gouvernement aient réorganisé leurs structures internes.
Je suis convaincu que les postes ministériels concernés par ce remaniement ont fait partie et ont facilité les négociations pour attribuer les responsabilités au sein des instances dirigeantes de ces deux partis.
Pour ceux qui en doutent, il suffit de se souvenir de cette citation de Nu’man ibn al-Mundhir : « Demain est proche pour celui qui attend. »
ان غدا لناظره قريب
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