Nouakchott..un appel au dialogue pour l’avenir de l’Afrique
- Abderrafie Hamdi (Nouakchott)//
Le dialogue et l’urgence des réconciliations.
Depuis hier, Nouakchott est devenue le cœur battant du continent africain, accueillant décideurs politiques, intellectuels et leaders religieux venus réfléchir à une question centrale : comment bâtir une Afrique réconciliée, unie et pleinement actrice dans un monde en pleine mutation.
La cinquième édition de la Conférence africaine pour la promotion de la paix s’attèle à une mission essentielle : dépasser les divisions historiques et répondre aux enjeux sociaux, politiques et économiques d’un continent riche de promesses mais confronté à de nombreux défis.
Le choix de cette thématique, de ce moment et de cette ville n’est pas fortuit. Il reflète une volonté partagée : ne plus se contenter de rêver d’une Afrique forte, mais poser les jalons pour en faire un acteur majeur sur la scène internationale.
Cette rencontre revêt une signification particulière à plusieurs égards : son thème interpelle, son timing est stratégique, et le lieu choisi témoigne d’un engagement fort.
À l’heure où les lignes de fracture traditionnelles entre grandes puissances et pays en développement s’effacent au profit d’un monde multipolaire, l’Afrique doit affirmer sa place.
Dans ce contexte, des nations émergentes comme la Turquie, l’Inde ou le Brésil redéfinissent les rapports de force mondiaux, déplaçant les centres de gravité vers l’Asie et l’Afrique.
L’Afrique, que l’ancien président américain Barack Obama a qualifiée de continent des opportunités, est aujourd’hui perçue comme un levier essentiel du futur économique mondial.
En plein essor démographique, le continent devrait voir sa population doubler d’ici 2050 pour atteindre plus de deux milliards d’habitants, dont 60 % auront moins de 25 ans.
Ce dynamisme démographique en fait un acteur clé du marché mondial de la consommation et des forces de travail.
En parallèle, l’Afrique se positionne comme un hub d’innovation numérique.
Des initiatives telles que Silicon Savannah au Kenya ou la Cité de l’innovation à Kigali, au Rwanda, témoignent de son essor technologique.
À cela s’ajoute la richesse de ses ressources naturelles, représentant 30 % des réserves mondiales..
Cependant, ces atouts ne suffisent pas à transformer un continent historiquement associé à la pauvreté, la corruption et les conflits. L’enjeu est de créer un environnement sûr et stable pour stimuler le développement.
C’est là que l’initiative mauritanienne d’organiser ce forum prend tout son sens : elle élève le dialogue au rang de devoir et inscrit la réconciliation parmi les priorités urgentes.
Sur le plan des relations internationales, le dialogue est essentiel pour résoudre les conflits bilatéraux par la négociation. Contrairement à la guerre, qui ne produit ni vainqueurs ni paix durable, le dialogue garantit qu’il n’y a pas de perdants.
En Afrique, la plupart des conflits trouvent leur origine dans les frontières héritées de la colonisation européenne. Ces tensions se sont exacerbées avec l’échec de la démocratisation et l’interférence des institutions civiles et militaires.
Aujourd’hui, plus de 60 ans après les indépendances, l’Afrique est à la croisée des chemins : elle peut choisir la voie de l’unité et de la réconciliation, ou bien rester prisonnière de cycles de violences et d’ingérences extérieures.
Le premier scénario exige une vision claire et des leaders capables d’œuvrer pour un développement commun, au-delà des intérêts étroits.
Le second maintiendrait l’Afrique dans son rôle traditionnel de terrain de jeu des rivalités internationales, gaspillant des opportunités de devenir une force majeure sur la scène mondiale.
Comme l’a souligné Henry Kissinger, les grandes transformations naissent du dialogue et des accords, et non des menaces militaires.
Il n’y a plus de place aujourd’hui, en Afrique, pour les milices armées, les entités fantômes ou leurs soutiens, qu’ils soient locaux ou étrangers.
Sur le plan national, comme l’a rappelé la Conférence de Nouakchott, le vivre-ensemble entre forces politiques, ethnies et confessions est devenu une nécessité urgente.
Dans des sociétés marquées par une diversité d’appartenances et de loyautés, ce vivre-ensemble doit s’appuyer sur la confiance, le respect mutuel et la consolidation de l’unité nationale, plutôt que sur le partage temporaire du pouvoir.
Les expériences de justice transitionnelle en Afrique offrent des exemples concrets de réconciliation réussie.
L’Afrique du Sud, par exemple, a tourné la page de l’apartheid grâce à des mécanismes de justice transitionnelle et de réconciliation nationale.
De même, le Rwanda, qui a surmonté l’un des pires génocides de l’histoire moderne, est aujourd’hui un modèle en matière de reconstruction et d’unité nationale.
Au Maroc, bien que dans un contexte différent, l’Instance Équité et Réconciliation a permis de clore un chapitre sombre de violations des droits humains.
Ce processus a renforcé la confiance entre l’État et la société, tout en ouvrant la voie à une consolidation démocratique.
Cette expérience, le Maroc la met à disposition de ses partenaires africains, comme une source d’inspiration.
La justice transitionnelle, comme l’a décrit Kofi Annan, Africain de cœur et d’âme, ne se limite pas à réparer les torts du passé : elle construit un avenir plus juste .
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