Culture

Mieux connaitre Mohammed KHAIR-EDDINE..

Agadir today  publie ce témoignage sur mohamed khair-ddine, presenté par  son frère cadet Hmad  à Azrou Ouado, Tafraouit Amalen,  le 28/07/2021 lors d’une conference qui avait pour theme le feu Med khair-ddine ..On le publie à l’occasion de  l’anniversaire du deces de l’écrivain Med Khair-ddine.

Le texte de Hmad khair-ddine:

«  Qui est Dda Moh ?

Dadda ou Dda se place avant le prénom masculin pour exprimer le respect dû à une personne plus âgée. Taba pour les prénoms féminins.

Dadda Mohammad ou Dda Moh est l’aîné du couple M’hamed Ouaabll et Aicha Lmhjoub de la famille Bellouhm, appelée aussi Ait Louhm par ceux qui veulent l’offenser en raison du physique du grand père, petit, maigrichon et bossu, mais d’une douceur et d’une gentillesse inégalables.

 Le vrai nom de Dda Moh

Dda Moh s’appelle en réalité, Mohammad ben M’hamed ben Abdellah ben M’hamed ben Ahmed AKHDDAR.

KHAIR-EDDINE est le nom de famille relativement récent qui ne date que de 1952, année de l’inscription au registre de l’état civil, instauré au Maroc par le décret du 8 mars 1950.  Les date, lieux de naissance et de décès de Dda Moh

Dda Moh est né le 15 mai 1942 au douar Azrou Ouado. Il s’agit là de la date réelle consignée par le fqih de timzguid, le jour même de sa naissance.

Dda Moh est décédé le 18 novembre 1995 à Rabat, à la suite d’un carcinome de la mâchoire. C’est au cimetière des martyrs de cette même ville où il a été enterré le 20 novembre 1995 consécutivement aux hautes instructions de feu SM Hassan II.  Les années d’enfance et d’apprentissage de Dda Moh

Dda Moh a passé ses neuf premières années au bled, tamazirt, où il a fréquenté l’école coranique du douar, timzguid ougadir. Toute la famille, à l’exception du papa qui travaillait dans le commerce à Casablanca, vivait au bled.

En 1951, le papa trouve un associé et ouvre une droguerie au Bd des Régiments coloniaux, Ziraoui actuellement. Il en profite pour faire venir Dda Moh qu’il inscrit à l’école Abdelkrim Lahlou en classe de CP, année scolaire 1951/1952.

L’école Abdelkrim Lahlou, sise au Bd Bonaparte, Moulay Idriss 1er actuellement, était une école primaire privée qui appartenait aux istiqlaliens. Le corps enseignant totalement marocain dispensait un enseignement bilingue, une demi-journée d’arabe et une demijournée de français. Dda Moh y suivit ses études primaires jusqu’en 1956, année où il décrocha son passage au lycée Moulay Hassan, Bd Victor Hugo, Quartier Martinet. Dda Moh fréquenta le lycée de manière régulière depuis la classe de sixième, année scolaire 1956/1957 jusqu’en classe de troisième, année scolaire 1959/1960. Les années scolaires 1960/1961, classe de seconde, et 1961/1962, classe de première, quant à elles, étaient ponctuées de fugues plus ou moins longues. Ce sont ces années-là qui ont marqué le début de la rébellion de Dda Moh.

En classe de sixième, Dda Moh, eut comme professeur de français M. Claude MAUMAL et comme camarade de classe El Mostafa NISSABOURY. Sur la photo de classe Dda Moh et Nissa étaient au premier rang de part et d’autre du professeur MAUMAL.

J’ai tenu à parler de Nissa et de Maumal parce que le premier, toujours vivant, est un grand poète marocain d’expression française qui est resté ami avec Dda Moh, des années durant après le lycée, et le second quant à lui est un professeur imminent qui estimait beaucoup Dda Moh et qui, en classe de seconde, ne corrigeait même plus ses dissertations. Il se contentait de les annoter « Ce texte mérite d’être publié ».  Dda Moh, le dur, l’enfant terrible

D’aucuns disent de Dda Moh qu’il est dur, voire agressif même. Normal pour quelqu’un qui a beaucoup souffert pendant toute son enfance, tant au bled qu’à Casablanca.

Au bled, à ces heures libres, on le faisait participer aux travaux ménagers et aux travaux des champs. À timzguid, le fqih était loin d’être clément et ne savait donner que des paires de claques en guise de récompense.

À Casa, pas de maison durant les deux premières années. Dda Moh mangeait et dormait derrière le comptoir avec les employés. Au réveil, il fallait sortir les marchandises qu’il fallait ranger sur la devanture du magasin, balayer le trottoir avant de prendre le petit déjeuner et d’aller à l’école. Au retour de l’école, il fallait faire la poussière et rentrer les marchandises avant de diner et de s’allonger derrière le comptoir. Des journées bien pleines et très fatigantes, sans compter qu’il fallait trouver un moment pour apprendre les leçons et faire les devoirs. Sinon, le lendemain, c’est la falaqa.

Le papa a pu finalement trouver une petite pièce exiguë, sise Rue Point du jour, qu’il a pris en location et où les employés au nombre de deux, voire trois, Dda Moh et moi-même, nous nous entassons comme des sardines. Le papa quant à lui s’est toujours débrouillé pour passer la nuit ailleurs, même du temps où l’on dormait derrière le comptoir.  Le divorce

Le papa donna la droguerie en gérance et s’en alla au bled pour se reposer et reprendre des forces. C’était en 1953, l’année de l’exil de feu Mohammed V, l’année de tous les malheurs parce que c’était aussi l’année où la maman avait été répudiée. Il ne tarda pas à se remarier avec une jeune femme divorcée sans enfant qui lui donna une fratrie de six, cinq garçons et une fille. Nous, enfants de Aicha Lmhjoub, étions au nombre de quatre, deux garçons et deux filles.

Dès le lendemain de l’indépendance, le papa loua un appartement, Rue Point du jour et fit venir son épouse. La vie n’était pas bien meilleure pour Dda Moh qui, pour fuir la réalité amère, commença d’abord par s’intéresser à la chanson berbère de Lhaj Belaid, ensuite arabe de Mohammed Abdelouahab et enfin à l’écriture.

La nouvelle vie avec la belle-mère ne plaisait guère à Dda Moh qui n’arrêtait pas d’échafauder des plans de fugue. Il vivait très mal le divorce, mais malgré la colère, le désespoir et le chagrin, Il tenait le coup et ne cédait pas à la tentation de fuguer, du moins pas encore. Pour oublier, Dda Moh lisait beaucoup. Il pouvait avaler plus d’un roman par jour. Il chantait Lhaj Belaid et Mohammed Abdelouhab et parfaisait ses connaissances en versification.

Il adorait Rimbaud, Verlaine, Baudelaire, Mallarmé et j’en passe. Il connaissait tout. Une véritable encyclopédie ambulante.

 Dda Moh entre dans le monde de la poésie

Dès la classe de sixième, année scolaire 1956/1957, Dda Moh a commencé à écrire des poèmes, des alexandrins sous forme de sonnets qu’il faisait publier dans La Vigie Marocaine, actuellement Maroc Soir.

Les poches de Dda Moh étaient toujours pleines de paperasses, des poèmes terminés ou à peine commencés.

Un jour de fête, une fête religieuse musulmane de 1958 ou 1959, je ne me rappelle plus très bien de l’année, le papa nous refila un peu d’argent, cinq dirhams chacun, si ma mémoire est bonne. Dda Moh voulait à tout prix acheter « Les Fleurs du mal » de Charles Baudelaire. Pour ce, je lui remis, à sa demande, mes cinq dirhams. Dix dirhams en poche, Dda Moh pénétra dans une boutique de la rue de l’horloge, Allal ben Abdellah actuellement.

  • Bonjour monsieur, auriez-vous s’il vous plait Les Fleurs du mal de Baudelaire ? – C’est pour vous ?
  • Oui monsieur.
  • Mais jeune homme, c’est d’un niveau qui vous dépasse.
  • Non monsieur. Sachez que moi-même, je suis poète et Dda Moh remit au monsieur quelques-uns de ses poèmes qu’il sortit de la poche de son pantalon.

Sans rétorquer, le monsieur lui remit le bouquin sans encaisser le moindre sou et nota l’adresse de Dda Moh. Ce monsieur du nom d’Amoyel, n’était autre que le Président des Amitiés Poétiques et Littéraires de Casablanca.

C’est ainsi que Dda Moh intégra le cercle des poètes de Casablanca. El Mostafa NISSABOURY ne tarda guère à le rejoindre.

Depuis, Dda Moh et Nissa, assistaient régulièrement aux banquets organisés par les APLC au Petit Poucet, Bd Mohammmed V.

Ces poètes étaient tous sympathiques. J’en connaissais quelques-uns qui m’aimaient fort bien : Amoyel, Nissaboury, Franco, Armando, Matougui et j’en passe.

 Les premières fugues et l’abandon scolaire

Dda Moh a commencé à fuguer dès la classe de seconde, année scolaire 1960/1961. Des fugues plus ou moins longues. À chaque fois le papa le ramenait à la maison et l’accompagnait au lycée pour l’excuser auprès de la direction. Dda Moh était révolté. Il en voulait à tout le monde et vivait mal la répudiation de la maman. Il passa en première, haut la main, sans examen de passage, et ce malgré les absences répétées.

La révolte devenait de plus en plus forte et le désir de tout balancer aussi. C’est ainsi que dès le début de l’année scolaire 1961/1962, classe de première, Dda Moh croyait partir pour de bon en se faisant embaucher comme contrôleur à la Caisse d’Aide Sociale, Bd Ziraoui. Le papa ne s’avoue pas vaincu et ne baisse pas les bras. Il intervient auprès des responsables de la Caisse pour virer Dda Moh qu’il ramène au lycée. Pour Dda Moh, ça n’est que partie remise. Il décida alors de partir pour de bon et se fait embaucher une fois de plus par le même employeur, comme inspecteur, mais cette fois-ci à Agadir, bien loin du papa. El Mostafa NISSABOURY, ne tarda pas à suivre Dda Moh dans le sud et trouva, si je ne m’abuse, un job au Caïdat des Oulad Berrhil.  Le retour à Casablanca

Dda Moh, employé Caisse d’Aide Sociale, devenue CNSS, retourne à Casablanca en 1963. Il élit domicile à la rue Laperrine au quartier Benjdia, d’abord au meublé « Florida », ensuite aux studios « Los Angeles Appartements ». Il passait tout son temps à boire et à écrire. Il n’allait au boulot que très rarement. Il termina un roman dont je ne me souviens plus du titre qu’il envoya par courrier aux Editions Gallimard pour publication. Le bouquin lui fut retourné et ça ne lui avait pas plu du tout.  Départ pour la France

Dda Moh a mal encaissé le fait que Gallimard a refusé d’éditer son roman. Un jour de l’année 1965, il me dit, tu sais Hmad, si je veux que mes bouquins soient publiés, il faut que je parte. Je dois secouer ces connards d’éditeurs. C’est ainsi que Dda Moh quitta le pays un beau matin de septembre 1965. Il est parti en train. C’est moi-même qui l’ai accompagné à Casaport.

 Quatorze ans d’exil volontaire

Ce n’est qu’après quatorze ans, en 1979, que Dda Moh est retourné au pays. Il a épousé au tout début de son exil volontaire Annie DUFOIR avec qui il a eu un enfant du nom d’Alexandre. Pendant ces longues années d’exil volontaire, Dda Moh a beaucoup écrit et publié aux éditions du seuil. Agadir (1967) – Corps négatif suivi de Histoire d’un bon Dieu (1968) – Soleil arachnide (1969) – Moi, l’aigre (1970) – Le Déterreur (1973) – Ce Maroc (1975) – Une odeur de mantèque (1976) – Une vie, un rêve, un peuple toujours errants (1978).

Après quatorze ans d’exil volontaire, Dda Moh n’en pouvait plus. Il ne supportait plus la vie parisienne et apparemment côté familial, ça ne gazait plus avec Annie.

Lors d’une mission à Paris, il nous a invités à diner chez lui, mon ex et moi, et c’est pendant ce diner là que j’ai senti le ras-le-bol de Dda Moh, qui pour autant, n’a rien laissé paraitre, alors qu’il était peut-être déjà en train de préparer son retour au pays avec le ministre plénipotentiaire, El JAI de l’ambassade du Maroc.

Au lieu de m’appeler au téléphone comme il avait l’habitude de faire, Dda Moh m’envoya un télégramme pour m’informer qu’il envisageait de rentrer au Maroc par le vol Air France d’une certaine date du mois de juillet ou du mois d’août 1979. Je ne me souviens plus de la date exacte, mais peu importe. Non et non me disais-je. Il ne faut pas qu’il rentre au pays. Il risque gros. Moi-même au retour de mission, j’ai eu des problèmes avec la police des frontières de Nouasseur qui croyait qu’il s’agissait de Dda Moh, tellement la ressemblance était frappante. Pour le dissuader, j’essaie de le joindre au téléphone, en vain. Par le biais d’un ami parisien, je le mets au courant des problèmes que, moi-même, j’ai rencontrés à l’aéroport, et dieu merci, il annule sa réservation. Mais ça n’est que partie remise. Il débarque quelques jours après à l’aéroport de Nouasseur et se fait embarquer destination commissariat central de Casablanca où il séjourna une bonne quinzaine de jours, je crois, avant de recouvrer la liberté, grâce à l’intervention de son ami feu Léopold Sédar Senghor auprès de feu SM Hassan II.

Pour celles et ceux qui croient dur comme fer que Dda Moh était engagé et avait des penchants politiques, je leur dis tout simplement qu’il n’a jamais adhéré à quelque parti politique que ce soit et, sauf erreur, il n’aime pas la politique et exècre les politiques et quand il veut dire merde, il le dit. Point barre.

 La réconciliation

Entre 1979 et 1986, Dda Moh n’a pas cessé de parcourir le Maroc du nord au sud et a écrit pas mal de chroniques pour le compte du magazine « Le Message de la Nation » de feu Maati BOUABID. Il a aussi beaucoup écrit sur les provinces du sud pour le compte de l’intérieur. Finie la guéguerre entre feu Driss BASRI et lui. Dda Moh n’a pas oublié Al Bayane des Yaata à qui il a consacré pas mal de publications.

Le Palais savait que Dda Moh ne pouvait nuire et qu’il pouvait même être utile à condition de savoir composer avec lui. Feu SM Hassan II adorait certains de ses écrits semble-t-il. En 1981, il publia chez Stouki, Rabat, un recueil de poèmes intitulé « Résurrection des fleurs sauvages ».

En 1984, il publia chez le seuil un roman intitulé « Légende et vie d’Agoun’chich ». C’est ce roman-là qui lui a valu le passage à l’émission « Apostrophes » présentée sur Antenne 2 par Bernard PIVOT.

En 1992, il publia chez Le Cherche Midi un petit recueil intitulé « Mémorial », une vraie bombe littéraire semble-t-il.

 Entre Rabat et Paris

Je sais que Dda Moh a fait des séjours à Paris entre la fin des années quatre-vingt et le début des années quatre-vingt-dix. Il logeait chez une certaine Martine HEUZE, une belge je crois. Quand, comment et pendant combien de temps, je ne saurais le dire. Tout ce que je sais, c’est qu’il m’appelait souvent de chez Martine, quand j’étais à Dakar, entre 1988 et 1991. Ce dont je suis sûr, c’est qu’il était toujours à Paris au moment de mon rapatriement au mois de septembre 1991.

Sauf erreur, je crois qu’il est rentré définitivement au Maroc, malade, en 1993.

 La maladie qui emporta Dda Moh

J’étais expatrié en Afrique subsaharienne de 1987 à 1991 et je m’étais un peu déconnecté de Dda Moh en raison de mes activités professionnelles.

Je ne saurais donc dire de manière exacte comment Dda Moh a contracté la sale maladie qui a mis fin à ses jours. Tout ce que je sais, c’est que feu SM Hassan II a bien pris soin de lui, prise en charge totale, pendant tout son séjour à Rabat jusqu’à sa mort.  Publications à titre posthume

Après le décès de Dda Moh, madame Harrosh de l’hôtel Balima, Rabat, me remit un sac de voyage plein de manuscrits que j’ai gardé précieusement et que j’ai remis en mains propres à Alexandre lors de l’unique visite qu’il m’a rendue à Casablanca en 1997. C’est Alex qui s’est occupé de la publication des œuvres posthumes dont notamment : « Il était une fois un vieux couple heureux », Le Seuil 2002 et le dernier journal août 1995 intitulé »On ne met pas en cage un oiseau pareil », William Blake & Co 2001,.   En guise de conclusion

Je ne regrette qu’une seule chose, c’est de ne pas avoir conservé les coupures de journaux, les poèmes manuscrits, toutes les photos et notamment la photo de classe de l’année scolaire 1956/1957, ainsi que toutes les correspondances échangées avec Dda Moh depuis son installation à Agadir jusqu’à son retour définitif au Maroc.

Je vous remercie d’avoir eu suffisamment de patience pour écouter cet exposé sur la biographie de Mohammed KHAIR-EDDINE, alias Dda Moh.

Dieu l’ait en sa sainte miséricorde.

Ahmed KHAIR EDDINE, frère de Mohammed KHAIR EDDINE

Azrou Ouado, le 28/07/2021″

          

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