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MAROC : DÉCOUVERTE DU PREMIER VILLAGE DE L’ÂGE DU BRONZE DU MAGHREB ANTÉRIEUR À L’ARRIVÉE DES PHÉNICIENS

Après les découvertes archéologiques exceptionnelles du plus ancien et du plus vaste complexe agricole préhistorique de toute l’Afrique dans le village d’Oued Beht (Commune rurale d’Ait Siberne – Province de Khemisset – Maroc), publiées dans la prestigieuse revue scientifique internationale anglaise « Antiquity »,  le 24 septembre 2024, l’équipe de recherche archéologique dirigée par l’archéologue marocain de renommée internationale Youssef Bokbot, Professeur à l’Institut national des sciences de l’archéologie et du patrimoine, relevant  du ministère de la Culture, va publier dans la même revue « Antiquity »,  le 17 février 2025, un autre scoop scientifique de taille.

Cette découverte scientifique sans précédent va révolutionner les connaissances relatives à l’histoire du Maroc et de l’Afrique du Nord. Contrairement à l’idée répandue selon laquelle les anciennes communautés amazighes d’Afrique du Nord étaient peu développées avant l’arrivée des commerçants phéniciens, ces recherches ont révélé l’existence de communautés locales actives qui pratiquaient l’agriculture et l’élevage et entretenaient des relations commerciales et des contacts culturels avec le reste des  communautés du bassin méditerranéen et du Sahara. Cette recherche archéologique fait partie de la thèse de doctorat de Hamza Benattia, développée sous la direction du Professeur Youssef Bokbot.

Cette découverte changera notre perception du niveau de civilisation des populations locales d’Afrique du Nord, de l’ampleur de leur contribution à la production et à la diffusion de la civilisation, et de leur ouverture à tout ce qui se passe dans leur environnement régional et continental, à la fin de la préhistoire, notamment durant les âges des métaux, notamment le cuivre et le bronze, datée de 4400 à 2900 ans avant le présent.

Cette découverte permettra de mettre en lumière des données archéologiques, jusqu’alors marginalisées,  qui contribueront à la réécriture de l’histoire du Maghreb, en se basant sur une vision de l’intérieur, et non plus à travers des lunettes étrangères. Ces découvertes soulignent le rôle central joué par le Maroc dans le bassin méditerranéen occidental, suggérant que cette zone géographique hasutement géo-stratégique, au carrefour de l’Afrique et de l’Europe, recèle encore des secrets et des données scientifiques qui n’ont pas encore été révélés et qui sont susceptibles de bouleverser les hypothèses éronnées mises en avant pour oculter les apports des peuples  autochtones, et ce en faveur des apports exogènes souvent exagérés.

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Village d’Age du Bronze en haut de la Colline de Dhar Lmoudden, appelée également Kach Kouch, dominant les méandres de l’embouchure de l’Oued Laou

La recherche sur la préhistoire récente du bassin méditerranéen a longtemps été dominée par l’étude des rives nord et est, laissant ses côtes africaines relativement méconnues. Cet article présente les découvertes réalisées sur le site de Kach Kouch (Dhar Lmoudden), (Oued Laou, Maroc) qui témoignent d’une occupation humaine entre 2200 et 600 av. J.-C. Contrairement à l’idée reçue selon laquelle l’Afrique du Nord aurait été peu développée avant l’arrivée des Phéniciens, ces recherches révèlent la présence d’une communauté locale active, pratiquant l’agriculture, l’élevage et des échanges. Ces trouvailles sont le résultat de la mise en place et du développement du Projet Archéologique de Kach Kouch, un programme de recherche doctorale mené à terme grâce au concours d’une équipe internationale majoritairement composée de jeunes chercheurs de l’Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine de Rabat (INSAP).

Situé sur un promontoire rocheux dominant la vallée de l’Oued Laou, Kach Kouch occupait un emplacement stratégique à proximité du détroit de Gibraltar. Ce lieu aurait permis aux habitants de contrôler un passage entre la mer Méditerranée et les montagnes du Rif, facilitant ainsi les échanges commerciaux et culturels avec d’autres régions. Les fouilles ont permis d’identifier trois phases d’occupation :

Phase KK1 (2200–2000 av. J.-C.)

Cette phase correspond à la transition entre l’âge du Cuivre et l’âge du Bronze. Peu de vestiges ont été retrouvés, ce qui suggère soit une occupation limitée, soit un remaniement et un déplacement des couches anciennes. Les rares objets découverts incluent des fragments de poterie, des silex et des ossements de bovins.

Phase KK2 (1300–900 av. J.-C.)

C’est durant cette période que le site devient un village agricole stable, avec des maisons en torchis et des fosses creusées dans la roche pour le stockage de produits agricoles. L’économie repose sur l’agriculture (blé, orge, légumineuses) et l’élevage (ovicapres, bovidés et suidés). On observe également des liens avec la péninsule Ibérique et d’autres régions méditerranéennes, comme en témoigne la découverte d’un fragment métallique en bronze.

Phase KK3 (VIIIe–VIIe siècles av. J.-C.)

Cette phase, qui correspond à la période qu’il est maintenant convenu d’appeler Maurétanienne 1, coïncide avec l’arrivée des Phéniciens dans la région et la fondation de Lixus. On constate alors une continuité des maisons en torchis mais aussi des changements dans les techniques de construction avec l’apparition de bâtiments rectangulaires avec des soubassements en pierres, inspirés des modèles phéniciens. De la poterie tournée, typique de cette culture, a également été retrouvée. Pourtant, les traditions locales ne disparaissent pas totalement : les habitants continuent à utiliser le torchis et certaines formes de poteries traditionnelles. L’abandon du site autour de 600 av. J.-C. pourrait être lié à des changements économiques et sociaux, à commencer par la fondation de nouveaux établissements côtiers.

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Les maisons de la phase KK2 (1300–900 av. J.-C.) étaient rondes ou semi-circulaires, construites en torchis plaqué sur une armature en bois (semblables à des noualas). Lors de la phase KK3 (VIIIe–VIIe siècles av. J.-C.), on observe l’apparition de maisons rectangulaires constituées de murs dont les élévations, en torchis, reposent sur des soubassements en pierres. Ce changement témoigne d’une influence extérieure, probablement phénicienne, qui coexiste avec des éléments locaux.

En parallèle, des fosses ont été creusées dans la roche, certaines servant de silos à céréales et légumineuses. Les analyses archéobotaniques ont révélé la présence de blé, orge, fèves et pois chiches, indiquant la pratique d’une agriculture bien développée dès la phase KK2. Au cours de la phase KK3, de nouvelles cultures apparaissent, notamment la vigne et l’olivier, suggérant une influence méditerranéenne. L’élevage était également diversifié : les moutons et les chèvres dominaient, mais des suidés et des bovins étaient aussi présents. Des traces de travail du cuir et d’autres artisanats ont été identifiées, illustrant une société bien organisée et autosuffisante.

Les fouilles ont mis au jour un riche assemblage de céramiques, d’outils en pierre et d’objets métalliques. Les poteries locales étaient façonnées à la main, présentant souvent des décorations imprimées, incisées ou en relief. À partir de la phase KK3, on retrouve des poteries tournées, notamment des amphores, caractéristiques de la culture phénicienne. Des grattoirs, des burins et des lames fournissent la preuve de l’existence d’une activité artisanale. Les faucilles témoignent, de leur côté, du rôle important acquis par l’agriculture.

Pour ce qui est des objets métalliques, il faut noter que le fragment de bronze appartenant à la phase KK2 constitue aujourd’hui le plus ancien témoignage de la métallurgie du bronze daté par radiocarbone (1110–920 av. J.-C.) dans l’ensemble du Maghreb. La phase KK3 a livré des objets en fer attestant l’adoption de nouvelles technologies.

Les découvertes de Kach Kouch remettent en question l’idée reçue selon laquelle l’Afrique du Nord était peu développée avant l’arrivée des Phéniciens. Ce site prouve que les populations locales avaient déjà une économie agricole avancée et entretenaient des échanges avec le monde méditerranéen bien avant cette période. Les habitants de Kach Kouch n’étaient pas passifs face aux influences extérieures : bien au contraire, ils ont intégré certains éléments culturels étrangers tout en conservant leurs traditions, créant ainsi une culture hybride.

Kach Kouch invite à repenser la préhistoire récente de l’Afrique méditerranéenne qui apparaît désormais comme un espace dynamique d’échanges, d’innovations et d’identités plurielles. Les recherches futures pourront révéler l’existence d’autres sites similaires contribuant ainsi à enrichir notre compréhension des sociétés préhistoriques du Maghreb.

 Article qui sera publié dans la pretigieuse revue scientifique anglaise “Antiquity”, le 17 février 2025, DOI : https://doi.org/10.15184/aqy.2025.10

Article intitulé : Rethinking late prehistoric Mediterranean Africa: architecture, farming and materiality at Kach Kouch, Morocco.

Auteurs:  Hamza Benattia, Youssef Bokbot, Jorge Onrubia-Pintado, Meriem Benerradi, Bouchra Bougariane, Bouchra Bouhamidi, Jared Carballo-Pérez, Othmane Echcherif-Baamrani, Asmae Elqably, Naoufel Ghayati, Hassan Hachami, Mohammed Kbiri-Alaoui, Raluca Lazarescu, Lorena Lombardi, Guilio Lucarini, Rafael M. Martínez-Sánchez, Marta Mateu-Sagés, Pau Menéndez-Molist, Ignacio Montero-Ruiz, Zayd Ouakrim, Guillem Pérez-Jorda, Moad Radi, Joan Ramon-Torres, Eric Sobrevia-Corral, Tachfine Touri, Cyprian Broodbank.

Contacts

Prof. Youssef Bokbot

Institut National des Sciences de l’Archéologie et du Patrimoine (INSAP), Rabat, Maroc

Email: [email protected]

Tél – whattsup: 06 63 81 00 58

Prof. Jorge Onrubia-Pintado

Université Castilla-La Mancha, Ciudad Real, Espagne.

Email: [email protected]

Tél – whattsup : 00.34.670784754

Hamza Benattia

Departement d’Histoire et d’Archéologie, Université de Barcelone, Espagne

Email: [email protected]

Tél: 00.34.633121871

Whattsup: 00.212.654407715

  • Pour plus d’information: details, illustrations et article en question publié à Antiquity, 17 février 2025 : https://doi.org/10.15184/aqy.2025.10

 

          

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