Culture

Livre: « Cinéma marocain .. le regard et le discours, thèmes, auteurs, tendances» Trois questions à Mohammed Bakrim

Un nouveau livre du critique de cinéma marocain Mohammed Bakrim a été publié la deuxième semaine d’avril 2025 par la Fédération nationale des ciné-clubs. Le livre a pour titre principal « Cinéma marocain : le regard et le discours » et pour sous-titre « Thèmes, auteurs, tendances ». Voici trois questions à l’auteur…

1) qu’est-ce que vous pourriez nous dire pour présenter ce nouvel opus

La publication de ce nouveau livre, « Le regard et le discours » s’inscrit dans un cadre général et dans un contexte spécifique.

Le cadre général, c’est la vitalité que connaît le paysage cinématographique marocain depuis quelques décennies déjà ; une dynamique qui, quoi qu’on dise, est palpable à tous les étages : production régulière et variée, mutations institutionnelles, présence multiforme dans l’espace public (on a même une inflation de festivals et de manifestations dédiés au cinéma !)…

Je donne un exemple simple : au cœur du livre et ce qui fait sa raison d’être il y a une lecture d’une vingtaine de films ; ce qui était inimaginable il y a quelques temps. Grâce aux films marocains, le critique de cinéma aujourd’hui n’ a plus de raisons de chômer ou de discourir sur des généralités!

Cette publication s’inscrit aussi dans un contexte particulier qui se manifeste dans le fait que le livre s’inscrit dans la continuité d’une démarche qui me tient à cœur depuis mon premier livre, « Le Désir Permanent » (2006), à savoir que chaque fois qu’un corpus complet de textes (articles critiques, interventions, recherches, etc.) devient disponible, je les publie dans un livre. Une manière de les mettre à la disposition de ceux qui n’ont pas eu l’occasion de les découvrir en leur temps.

J’ai été encouragé dans ce sens par un retour positif quant à l’expérience (trois livres sur cinq ont été épuisés)… et cette nouvelle édition constitue le sixième épisode de cette série, si j’ose dire (cinq livres ont été publiés auparavant).

Je dois cependant préciser que cette fois, pour ce livre,  la matière était abondante et disponible.

Mais la publication é été retardée voir reportée ; d’abord à cause de la période du confinement et ensuite eu égard aux changements dans les conditions d’édition (financières notamment) qui ont marqué le contexte post-covid…

J’ai même mis de côté le projet et j’ai commencé à préparer un nouveau livre sur le documentaire (il sera publié, Inchallah, lors de la prochaine rentrée culturelle)…

Mais à quelque chose malheur est bon… ce retard a permis au livre de bénéficier d’un nouveau contexte et être publié aujourd’hui par la Fédération Nationale des Ciné-Clubs, ce qui m’a fait très plaisir car je me considère, ainsi que beaucoup de ma génération (et celles d’après), comme l’émanation, le produit de cette noble et généreuse école.

A cette occasion, je remercie mes camardes, les membres du Bureau fédéral de la FNCCM, et je salue leur persévérance et leur souci d’assurer la continuité de cet acquis culturel national. Je tiens également à remercier le concepteur de la couverture, l’artiste Faissal Hmichane que beaucoup de mes amis ont apprécié !

2) Qu’en est-il du contenu du livre?

Le livre a été édité en 280 pages, grand format avec une couverture couleur. Le prix public est de 60 dirhams (100 dirhams pour les institutions et Prix de soutien).

Des exemplaires peuvent être achetés en contactant le président de la Fédération nationale des ciné-clubs ou par l’intermédiaire du célèbre libraire et cinéphile, M. Hassan Benadada.

Une liste de librairies qui le proposeront aux lecteurs sera publiée ultérieurement.

Un rapide regard sur le sommaire nous apprend que le livre se compose de cinq grands chapitres, dont une longue introduction sur le cinéma dans un contexte historique caractérisé par la multiplicité des écrans et la diversité des sources d’images… et un chapitre qui reprend des thèmes qui me semblent être des indicateurs sur l’imaginaire exprimé par le cinéma marocain : le devoir de mémoire, des figures féminines, le cinéma colonial, le cinéma d’auteur, la fonction critique…

Un second chapitre dédié à des auteurs :  de Souheil Ben Barka à Hicham Lasri, en passant par Abdelkader Lagtaâ, Jilali Ferhati… Hakim Belabbès, Faouzi Bensaïdi, Mohamed Mouftakir Tala Hadid…, puis un chapitre central sur la lecture de films (une vingtaine de films)… des lectures ouvertes sur différents genres et courants, où l’on retrouve entre autres Kamal Lazrak, Said Naciri, et Martin Scorsese ou Jihane El Bahhar ; des jeunes aussi tels Imad Madi Zineb Wakrim… une approche dans le sillage de ce que le philosophe Jacques Rancière appelle « une cinéphilie élargie ». je ne suis pas partisan d’une cinéphile fermée sur elle-même dogmatique.

Et puis un chapitre consacré à quelques grandes tendances qui caractérisent le champ du cinéma comme la prédominance aujourd’hui de la comédie dans la réception publique du film marocain ; un texte au titre un brin provocateur « Le cinéma marocain existe-il ? » et des réflexions sur les festivals, la censure, les séries télévisées…et en clôture un hommage posthume à Feu Nour-Eddine Saïl dans un chapitre intitulé « Le meilleur d’entre nous ! ».

3) Existe-t-il un fil conducteur entre cette diversité de contenus?

Le fil conducteur est bien sûr le cinéma. En d’autres termes, mon souci épistémologique est : interroger le regard ; réfléchir sur le discours. Une démarche dans un contexte inédit ; le cinéma dans un monde globalisé. En fait, le livre est traversé par l’idée de la mort : il s’ouvre par un texte intitulé « L’adieu au cinéma » et se termine par la mort de Saïl.

Une manière de réveiller une idée récurrente dans l’histoire du cinéma, sur la mort du cinéma.

Aujourd’hui, il me semble que cela est plus vari qua jamais ; même si je précise que si le cinéma n’est pas mort (il renaît toujours de ses cendres comme le célèbre oiseau de la mythologie) quelque chose, aujourd’hui, est mort dans le cinéma !!!

Désormais la question est incontournable : quel est de l’intérêt d’écrire sur le cinéma aujourd’hui.

Quel est l’intérêt de produire un texte de 2000 mots sur un film ou un thème cinématographique à une époque où l’attention se concentre sur le nombre de vues, de clics?

Il y avait un triangle d’or harmonieux et intégré composé du public + de la salle + de la critique. Avec le début du nouveau millénaire, ce triangle a pris fin face à la domination de « la critique » instantanée, des réponses immédiates et directes via les nouveaux médias.

De plus, la créativité cinématographique elle-même est devenue otage de l’industrie mondiale du divertissement, ce qui pose des défis importants aux cinémas émergeant et aux producteurs de discours autour de ce cinéma.

L’écriture est donc une forme de résistance culturelle qui n’est pas sans plaisir : celui de partager et de transmettre. Le fil conducteur reste alors, d’une certaine manière, politique-éthique, culturel et pédagogique.

          

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