Monde Aujourd’hui

Les Marocains du monde : un capital humain stratégique

  • ABDERRAFIE HAMDI//

Dans sa chronique hebdomadaire publiée dans un quotidien national, Fouad Laroui – intellectuel polyglotte ayant vécu en France, en Belgique, au Royaume-Uni et aux Pays-Bas – évoque avec finesse les attentes des Marocains résidant à l’étranger vis-à-vis de leur pays d’origine. Il les résume en trois aspirations essentielles :

1. “Adieu au sous-développement” : Les Marocains du monde suivent de près la dynamique de transformation que connaît leur pays et espèrent voir s’accélérer le rythme du développement et la mise en œuvre des grands projets structurants.

2. “Fini la corruption et la prévarication” : Nombreux sont ceux qui s’étonnent du nombre de responsables arrêtés pour des affaires de corruption dans l’administration et les entreprises. Une situation qui, paradoxalement, révèle l’efficacité des mécanismes de contrôle et de sanction, mais qui illustre aussi l’ampleur du phénomène.

3. “Stop à la bureaucratie et aux lenteurs administratives” : L’éternel “repassez plus tard”, “revenez après la prière” ou encore “le responsable n’est pas encore arrivé” exaspère ceux qui, habitués à des administrations réactives et performantes, aspirent à un service public plus efficace et transparent.

En lisant ces réflexions, une question s’impose : ne sont-elles pas le miroir des attentes de nombreux citoyens vivant au Maroc ? Ne se battent-ils pas, eux aussi, pour un pays plus juste et plus efficace ?

Comme l’avait souligné un ancien président des États-Unis : “N’attendez pas que l’Amérique change pour l’aimer. Aimez-la d’abord, et elle changera.”

Fouad Laroui est bien conscient que les attentes des Marocains de l’étranger vont bien au-delà de ces considérations. Le lien avec le pays d’origine ne se limite pas aux vacances d’été, aux fêtes religieuses ou à l’achat d’un bien immobilier au village.

Pour la troisième génération, née et éduquée ailleurs, le véritable enjeu est de cultiver un sentiment d’appartenance durable.

Or, cela ne peut se faire sans un renforcement de la soft power marocain et une valorisation accrue du capital immatériel du pays. Réduire les Marocains du monde à leur seule contribution financière – les fameux transferts de fonds – est une vision étriquée et dépassée.

Ces diasporas regorgent de talents, de compétences et d’expériences qui apportent une valeur ajoutée bien plus grande que leur seule manne financière.

L’évolution de cette communauté, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, appelle une refonte en profondeur des politiques publiques qui lui sont dédiées.

Jadis composée d’ouvriers venus temporairement travailler en Europe, elle est aujourd’hui constituée de diplômés des meilleures écoles et universités, souvent installés définitivement à côté de la deuxième et la troisième génération des MRE .

Face à cette réalité, la gestion de la diaspora ne peut plus être dictée par des approches conjoncturelles, influencées par des agendas électoraux.

Comment expliquer que le Maroc, qui s’est doté de stratégies à long terme dans des secteurs clés comme l’industrie, l’agriculture, le tourisme ou les énergies renouvelables, continue d’adopter une approche hésitante et expérimentale en matière de gestion de sa communauté expatriée ?

Le discours royal du 6 novembre 2024, à l’occasion du 49ᵉ anniversaire de la Marche verte, marque un tournant décisif dans l’architecture institutionnelle qui devra désormais encadrer les affaires des Marocains du monde et lancera un débat national impliquant directement la diaspora, aux côtés des acteurs institutionnels, pour définir une vision stratégique ambitieuse et cohérente.

Une fois cette vision arrêtée, il reviendra au gouvernement de la traduire en une stratégie décennale, assortie de plans d’action annuels concrets.

L’urgence est là. Il est impératif d’accélérer la mise en œuvre des directives royales et d’élaborer un cadre juridique solide pour ces nouvelles institutions.

Car le temps presse : les mutations rapides dans les pays d’accueil ne laissent aucune place à l’attentisme ou aux demi-mesures.

          

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