Les années marocaines de Brice Clotaire Oligui Nguema..Désigné président du Gabon
Ancien attaché militaire à Rabat, formé à l’Académie royale militaire de Meknès, le tombeur d’Ali Bongo Ondimba et nouvel homme fort du Gabon a passé de nombreuses années au Maroc, où il a tissé des liens personnels forts.
Brice Clotaire Oligui Nguema, désigné président du Gabon par le Comité pour la transition et la restauration des institutions (CTRI) à la suite du putsch qui a renversé Ali Bongo Ondimba, connaît bien le Maroc.
À 48 ans, ce général d’armée, qui commandait jusque-là la garde républicaine, a passé de nombreuses années au royaume.
À Rabat, où il a été envoyé comme attaché militaire en 2009 après le décès de Bongo-père, dont il était l’aide de camp. Mais aussi à Meknès, puisque le nouvel homme fort du Gabon est un pur produit de l’Académie royale militaire (ARM).
Entré en 1998, à 23 ans, dans cette école d’excellence qui a vu passer la majorité des haut gradés de l’armée de terre marocaine, mais aussi de nombreuses figures africaines, tels que les Mauritaniens Mohamed Ould Ghazouani, et avant lui Mohamed Ould Abdelaziz, le Comorien Azali Assoumani, ou encore le général nigérien Abdourahamane Tiani, qui a renversé le président Mohamed Bazoum le 26 juillet dernier.
Quatre ans durant, le futur homme fort du Gabon suit l’ensemble de la formation dispensée à l’ARM, en même temps qu’un autre de ses compatriotes, Gabin Oyougou Lehounda – général de brigade qui fait lui aussi partie du CTRI mis en place par les putschistes.
Tous deux en sortiront avec le grade de sous-lieutenant, un DEUM (diplôme d’études universitaires et militaires) et un vaste réseau amical et professionnel.
« Valeurs de loyauté et de fidélité »
« Les étudiants étrangers suivent exactement le même cursus que les Marocains, avec à la fois des études générales (en droit, sciences et techniques, langues) et des entraînements militaires », indique un ancien de l’Académie, qui souligne que « lors de cette formation, l’accent est également mis sur la transmission des valeurs de loyauté, de fidélité aux institutions et à la patrie, mais aussi au principe de séparation entre militaires et politiques ».
À l’ARM, Brice Clotaire Oligui Nguema a laissé le souvenir d’un élève appliqué. « C’est ce qu’on appelle un garçon de bonne famille : calme, poli et mesuré, il se montrait assidu dans ses études, mais sans volonté particulière de briller ou d’être le premier », confie à JA un de ceux qui l’ont côtoyé durant cette période. Qui poursuit : « Bon vivant et enjoué, il n’hésitait pas, à l’instar d’autres camarades, à mettre à profit le week-end et les permissions pour s’amuser, faire la fête et relâcher la pression exercée par le quotidien à l’Académie, où les professeurs sont très exigeants et la discipline de fer. »
Marié à une Marocaine
Mais les liens avec le Maroc de ce cousin éloigné d’Ali Bongo Ondimba ne s’arrêtent pas aux relations tissées pendant ses études ou lors de son passage comme attaché militaire à Rabat, et s’étendent jusque dans la sphère familiale.
Marié à une ressortissante marocaine – ce qui laisse à penser qu’il a dû se convertir à l’islam, comme l’y oblige la législation marocaine –, Brice Clotaire Oligui Nguema a de fortes attaches avec le royaume, dont il parle la darija et apprécie beaucoup la culture et la gastronomie, au même titre d’ailleurs que tous les Bongo, qui n’hésitaient pas à faire appel au célèbre traiteur marocain Karim Rahal pour leurs réceptions à Libreville, ou à des artisans réputés pour confectionner jabadors, jellabas et autres caftans, ou encore pour réaliser les ornementations en zellige et tadelakt dans certains salons de leurs résidences gabonaises.
Les Marocains s’attendent à ce que, passée la « tempête », Brice Clotaire laisse Ali Bongo Ondimba venir passer sa « retraite » au Maroc, car il fait régulièrement des allers-retours à l’hôpital militaire de Rabat où les médecins assurent le suivi de l’AVC qui avait fortement dégradé son état de santé en 2018.
Meknès, une académie ouverte sur l’Afrique
Depuis l’éclatement de la vague de putschs en Afrique subsaharienne, certains observateurs semblent découvrir que nombre de hauts gradés des armées ouest-africaines et des pays du Sahel ont été formés à Meknès. Mais cela n’étonne guère les sources marocaines consultées par JA.
« Cela peut surprendre les civils, mais dans les cercles militaires du continent, ceci est tout sauf une surprise, raconte un ancien de l’académie de Meknès. Cela date des années Hassan II, quand le roi a voulu que cette institution d’élite des Forces armées royales marocains [FAR] soit ouverte sur le continent.
Dans le cadre de la coopération maroco-africaine, l’ARM a vu passer des élèves sénégalais, maliens, mauritaniens, nigériens, comoriens… Beaucoup sont aujourd’hui de hauts gradés dans leur pays et ont mené une belle carrière militaire ou diplomatique. Comme tous les militaires, ils ne sont pas toujours connus du grand public.
Mais les événements politiques récents dans certains pays, comme au Burkina, au Mali ou au Gabon ont mis certains d’entre eux sous les feux des projecteurs. »
Vieille cité impériale, Meknès fut d’ailleurs la capitale du royaume chérifien sous le sultan Moulay Ismaïl, qui régna de 1672 à 1727.
Cet illustre ancêtre de Mohammed VI, contemporain du Roi-Soleil Louis XIV, est connu dans l’histoire du Maroc pour avoir été l’un des premiers sultans à avoir bâti une grande armée régulière incluant un corps d’élite exclusivement composé de soldats subsahariens, les fameux Bukharas.
Extrait du magarine JEUNE AFRIQUE
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