
.«Lemaârouf» au Souss : un héritage annuel face à la fluidité de la mondialisation
Les régions du Souss, qu’il s’agisse des montagnes (Adrar) ou des plaines (Azaghar), connaissent chaque année, au mois d’août, un rituel ancestral hérité des aïeux : « Lemaârouf », un événement communautaire profondément ancré dans les traditions locales.
Ce rituel annuel mêle dimension religieuse, sociale et culturelle.
Il permet de préserver la coutume collective autour de Lemaârouf, considéré comme une occasion précieuse de rassemblement entre les habitants du village, toutes générations confondues.
Même les membres de la diaspora marocaine à l’étranger y contribuent activement, par divers moyens de participation et de soutien.
Les formes de célébration varient d’une localité à une autre selon les coutumes.
Certaines régions ont su préserver, malgré la pression de la mondialisation, le rituel du sacrifice (Tighrssi), dont la viande est partagée équitablement en portions pesées au kilo.
Ce partage donne lieu à des enchères symboliques sur certaines pièces, dans l’espoir de recevoir la baraka (la bénédiction) de Lemaârouf.
Les femmes, quant à elles, s’attèlent à la préparation du repas collectif, appelé Taflount, qui peut être servi à midi ou le soir.
Un imam de la mosquée de Tahala, à Tafraout, témoigne : les habitants achètent la viande et la distribuent aux femmes qui la cuisinent selon les traditions locales.
Les tolba (étudiants coraniques) participent à la récitation collective du Coran (khatm salka), et élèvent des prières pour tous ceux qui ont contribué par leur argent, leur temps ou leur savoir à la réussite de Lemaârouf.
Ce moment est aussi l’occasion de dresser un état des besoins du village et d’en discuter les solutions, lors d’une assemblée communautaire (ljamaât) composée des notables et sages du douar.
Dans certaines localités, la tradition s’est enrichie d’éléments nouveaux, comme l’organisation de soirées Ahwach (Drst), afin de répandre la joie et renforcer les liens sociaux entre les habitants.
Lemaârouf est plus qu’une fête : c’est une manifestation annuelle des valeurs de la Tamaghrabit – solidarité, entraide et vie en communauté – dans un monde de plus en plus dominé par l’individualisme et l’égoïsme.
Un héritage vivant qui résiste aux flux déstructurants de la mondialisation.

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