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Grève : une victoire juridique ,un échec politique
- Par Abderrafie Hamdi//
« Le droit de grève est garanti,
et une loi organique en précisera les conditions et les modalités d’exercice. »
C’est en ces termes que l’article 14 de la première Constitution du Royaume du Maroc, adoptée en 1962, a consacré le droit de grève.
Les Constitutions suivantes de 1970, 1972, 1992 et 1996 ont toutes maintenu la même formulation, à la même place. Ce n’est qu’avec la Constitution de 2011 que ce droit a été déplacé au deuxième alinéa de l’article 29.
Entre chaque réforme constitutionnelle, l’opinion publique attendait la promulgation de la loi organique qui fixerait les modalités de l’exercice de ce droit.
Mais les partenaires sociaux, directement concernés, savaient pertinemment que les gouvernements successifs n’oseraient pas franchir ce pas.
À l’époque où les syndicats constituaient le moteur principal des luttes sociales au Maroc, il était évident qu’aucune loi organique ne pourrait être adoptée sans leur aval.
Pas moins de 17 gouvernements se sont succédé, chacun avec son propre Parlement, ses majorités, ses élections… mais face à eux, les syndicats occupaient la rue, soutenus par les salariés, les fonctionnaires, les commerçants et les demandeurs d’emplois.
Aujourd’hui, 63 ans plus tard, l’équilibre des forces a basculé. Le capital s’est renforcé, les coordinations ont investi l’espace public, et la plupart des syndicats se sont essoufflés.
L’heure tant attendue par les gouvernements depuis six décennies a enfin sonné : la loi n°97.15 sur le droit de grève a été adoptée.
Sans aucun doute, cette loi organique représente une avancée significative dans l’organisation de l’un des leviers essentiels de la lutte sociale dans notre pays. Elle vise à encadrer les relations entre les trois parties :
Le gouvernement, le patronat et les syndicats. C’est une équation complexe que l’Organisation internationale du travail (OIT) tente de résoudre ou de maintenir en équilibre depuis sa création en 1919, bien avant l’établissement du système des Nations unies, sans jamais parvenir à une solution définitive.
Mais la question demeure, dans notre contexte national :
Cette loi sur le droit de grève, dans sa version actuelle – que l’on pourrait considérer comme globalement équilibrée – contribuera-t-elle réellement à renforcer la paix sociale au sein de l’administration et des entreprises, dans une réalité où les tensions sociales se déplacent de plus en plus vers l’espace public ?
Les chiffres disponibles auprès du ministère de l’Emploi et du ministère de la Fonction publique révèlent la faible adhésion syndicale, même au sein des centrales historiques qui ont mené les luttes sociales au Maroc depuis des décennies.
Que dire alors des autres organisations ? De plus, l’écart frappant entre le nombre de délégués du personnel indépendants et celui des délégués affiliés à des syndicats est un indicateur révélateur.
Qui profite de ce vide ? Qui porte la responsabilité de ce recul ?
Je pensais que la volonté d’adopter cette loi au cours de cette législature s’accompagnerait d’une prise de conscience politique de la part des élites parlementaires, compte tenu de l’importance cruciale de ce texte.
Les six Constitutions du Royaume ont élevé le droit de grève au rang de loi organique, ce qui le place juste en dessous de la Constitution en termes de hiérarchie juridique, suivi des lois ordinaires, des décrets et enfin des décisions administratives.
On peut affirmer que la loi sur le droit de grève est la loi organique la plus importante introduite par la Constitution de 2011, car elle régule les intérêts des individus, des groupes et des classes sociales, tout en protégeant le pays des dérapages inévitables des conflits sociaux dans toute société vivante.
Mais, malheureusement, une fois de plus, l’institution parlementaire a manqué son rendez-vous avec l’Histoire et avec la société. L’absence de 291 députés sur 395 – soit 74 % – lors de la séance de vote ne peut être considérée comme un simple incident.
Elle reflète un dysfonctionnement plus profond dans la relation entre les électeurs et leurs élus, ainsi que dans le rapport de ces derniers à leur responsabilité représentative et aux affaires publiques.
Même si le gouvernement a réussi à faire passer la loi organisant le droit de grève, la Chambre des représentants a échoué à l’examen de la confiance des citoyens et à préserver la crédibilité de l’institution législative.
À titre de comparaison, le taux de présence des députés lors des votes de lois ordinaires à la Chambre des députés espagnole ne descend jamais en dessous de 250 sur 350. Quant à l’Assemblée nationale française, qui compte 577 députés, l’assistance lors des votes oscille généralement entre 350 et 400 députés.
Le philosophe britannique John Stuart Mill disait :
« La démocratie ne se résume pas seulement au droit de vote, elle implique avant tout le devoir d’une représentation honnête. »
Alors, la question essentielle reste posée:
L’absentéisme parlementaire au Maroc est-il simplement une crise de représentativité ou bien le signe d’un dysfonctionnement démocratique ?
Qu’en pensez-vous ?
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