Film : LAAZIB (L’enclos) de Jaouad Babili..
- MOHAMMED BAKRIM
LAAZIB (L’enclos) de Jaouad Babili :
Une séquence d’ouverture qui restitue le monde dans son harmonie originelle ; le désert nous accueille dans un plan large qu’aucune ligne ne vient briser. La nature, les bêtes, l’humain (la femme qui guide son troupeau vers l’enclos) sont dans un espace social que le spectateur est invité à découvrir.
Deux femmes qui montent un enclos, leur troupeau et les immenses espaces désertiques. On les découvre au fur et à mesure dans un processus d’apprentissage spécifique que le documentaire construit avec les outils du cinéma.
Les deux femmes ne se présentent pas à nous (ce n’est pas une logique de télévision). Une distanciation dramatique va marquer l’évolution du récit et instaurer un contrat participatif au spectateur : prendre le temps qu’il faut pour accéder à cet univers autonome, avec ses règles et ses rites.
Ces femmes, elles ne font pas ce qu’elles font parce qu’elles sont ainsi, elles sont ainsi parce qu’elles le font. Elles ont fait le choix d’accompagner leur troupeau, de résider dans l’enclos loin des hommes et de la ville.
Le monde est renvoyé à un hors champ qui fait son entrée via le souvenir des photos, des récits ou avec cette scène magnifique du jeu de marionnette qui ramène une certaine image de l’homme à un jeu théâtral.
On les suit dans leur quotidien incarné dans les choix de mise en scène : prépondérance des plans larges ou moyens, une focalisation sur les gestes élevés au rang de rituels, un montage didactique dans lequel les plans s’enchaînent d’une manière chronologique et un rythme qui fait coïncider temps du récit et temps de narration (voir l’arrivée du troupeau et son entrée dans le champ). La bande son est riche sans être envahissante. Elle est aussi le lieu d’un hors champ sonore (signifiant par exemple la présence du danger incarné par les chacals).
Mon hypothèse est que nous sommes en présence d’un cinéma moderne dans la mesure où il tend à traduire l’indicible de la vie humaine par le recours à l’espace. Un documentaire-paysager infiniment plastique fusionnant le corps des deux femmes et leur espace social et intime.
Il parvient ainsi à créer un univers cohérent, dénudé, libéré de tout psychologisme ou toute considération sociologique.
Une occurrence fondatrice quand le réalisateur filme l’espace en dehors de toute présence physique des protagonistes. Des espaces les remplacent.
Une sorte de substitution spatiale qui revient souvent avec de longs plans larges ouvrant sur un large champ de mystère, de méditation et de mort.
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