Maroc aujourd'hui

Code de la famille au Maroc :Qui freine l’équité?

  • Abderrafie Hamdi//

Lorsque j’ai commencé à lire le communiqué du Cabinet royal, tel que diffusé par l’Agence Maghreb Arabe Presse, au sujet de la réunion de travail présidée par Sa Majesté le Roi Mohammed VI et consacrée à la révision du Code de la famille, j’avais décidé de ne pas écrire sur ce sujet.

Je préférais attendre que les choses s’éclaircissent davantage, laissant à l’exécutif le temps de formuler un texte complet qui intégrerait toutes les réformes approuvées par la commission désignée et le Conseil supérieur des oulémas, tous deux agissant, bien entendu, sous l’égide du Commandeur des croyants. Pourtant, j’avais déjà consacré cinq chroniques, ces derniers mois, à débattre des enjeux liés au Code de la famille.

Mais alors que je parcourais encore le communiqué sur ma tablette, une image s’est imposée brutalement sur mon écran, sans crier gare : celle d’un “prédicateur “obscurantiste , chef de file, débitant ses mots comme on jette des détritus hors d’un sac troué – pour reprendre l’expression du grand journaliste Hamdi Kandil.

En moins d’une heure, l’espace bleu de Facebook s’est transformé en un lieu terne et sans couleur, saturé de commentaires oscillant entre sarcasme, nostalgie d’un passé révolu, et propagande idéologique.

D’un côté, certains se moquaient des pratiques rétrogrades profondément enracinées dans les mémoires populaires.

De l’autre, des discours volontairement alarmistes, camouflés d’un lexique religieux et militant, peignaient un tableau binaire où tout oscille entre foi et infidélité, paradis et enfer.

Ce double discours cherche à manipuler les masses, mêlant les prophéties apocalyptiques aux échéances politiques nationales.
Ainsi, attiser les foules devient un « devoir religieux ».

Si certains s’en chargent, d’autres se sentent dans l’obligation de suivre. Et lorsqu’il s’agit des droits des femmes, le sujet devient leur ultime champ de bataille, leur question de survie.
Pourquoi me suis-je souvenu de l’année 2004 ?

Cette année-là, le Parlement marocain adoptait pour la première fois une réforme du Code de la famille. Pourtant, le pays se remettait à peine des terribles attentats du 16 mai 2003. À cette époque, la chanteuse marocaine Najat Aâtabou parcourait les provinces du royaume, portant un message d’espoir et d’optimisme.

À travers des chansons populaires, elle expliquait les nouveautés du Code de la famille, une réforme à la fois audacieuse sur le fond . et révolutionnaire sur la forme .

Alors qu’elle chantait :

« Avez-vous entendu parler de la nouvelle loi? »

Venez, je vous l’explique.

La charia et la loi ont rétabli l’ordre,

Nous tournons la page, préservons l’harmonie, et réjouissons-nous ensemble ! »

Les leaders salafistes, eux, prêchaient un tout autre discours. Zakaria Miloudi,avec son compagnon« Moul Sbatt » et d’autres figures obscures, justifiaient le pillage des biens d’autrui, décrivant ces méfaits comme des « butins de guerre ».

Quant aux vies humaines, elles devenaient un jeu macabre : celles des « mécréants » ou des « alliés du tyran » étaient sacrifiées, tandis que les jeunes étaient invités à rechercher le « martyre » pour goûter aux délices des houris dans l’au-delà.

Mais en cette fin d’année 2024, soit plus de vingt ans après la réforme du champ religieux initiée par un discours royal historique, et l’établissement du Conseil supérieur des oulémas chargé exclusivement de rendre des avis religieux, certaines voix continuent de détourner la jeunesse et les esprits en formation.

Sans aucune responsabilité, ces prêcheurs osent interdire ce qu’ils veulent, enrobant leur discours d’un mélange dangereux de religion et de traditions archaïques.

Ils affirment, par exemple, qu’une jeune femme ne devrait pas voyager seule pour ses études, qu’elle devrait impérativement se marier avant de poursuivre son cursus.

Ou encore, qu’une femme ne devrait travailler que par nécessité absolue, car elle sera jugée dans l’au-delà pour avoir négligé ses enfants.

Quelle déception pour nous, la génération des années 1960 et 1970 ! Nous avons grandi en écoutant, chaque matin, les interprétations sereines du Cheikh Mekki Naciri, sur les ondes de la radio nationale, entre les prières de l’aube et du soir.

Un érudit respecté, loin des cris stridents qui résonnent aujourd’hui.

Et quelle nostalgie envers des figures comme Abdallah Guennoun, auteur du célèbre Noubough Al-Maghrib, qui défendait l’excellence intellectuelle du Maroc face aux préjugés du monde oriental.

Ou encore Si Mokhtar Soussi, qui a légué une encyclopédie de 8 000 pages sur l’héritage des oulémas et intellectuels du Souss, Mokhtar Soussi , a participé brillamment à la première commission de rédaction du Code du statut personnel.

Quel contraste entre ces géants du savoir, qui défendaient une vision émancipatrice de la société, et ces voix d’aujourd’hui, dont le seul objectif semble être de maintenir la femme allongée et pas bien debout .

Ces discours, malgré leur banalité, mettent en lumière un triste constat : lorsque l’évidence devient un sujet de débat, c’est que la régression a pris racine.

          

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