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Agadir : organisation d’un colloque régional sur la protection des enfants en situation de rue
L’Association La Voix de l’Enfant d’Agadir a organisé, le vendredi 14 février 2025, au siège de la Commission régionale des droits de l’Homme à Agadir, un colloque régional sous le thème : « Les enfants en situation de rue… Quels mécanismes juridiques pour assurer leur protection sociale ? », avec la participation d’un groupe d’acteurs des droits humains.
Ont pris part aux travaux de ce colloque : Dr. Fatima Chaâbi, professeure de l’enseignement supérieur à l’Université Ibn Zohr d’Agadir et militante associative et des droits de l’Homme, Maître Jawad Bouzid, avocat au barreau d’Agadir et militant associatif et Mme Fatima Arif, présidente de l’Association La Voix de l’Enfant d’Agadir. À travers leurs interventions,ces derniers ont abordé les aspects juridiques et sociaux de la problématique des enfants en situation de rue et débattu des moyens de protection de cette catégorie vulnérable de la société.
Dans son allocution d’ouverture, Mme Fatima Arif a souligné que l’organisation de ce colloque s’inscrit dans le cadre de l’engagement de l’Association La Voix de l’Enfant d’Agadir à sensibiliser sur toutes les questions concernant l’enfance, notamment les enfants en situation de rue. En effet, ce phénomène nécessite plus d’attention, d’analyse et d’étude de ses causes profondes afin de mieux l’appréhender et tenter d’y apporter des solutions adéquates.
Par ailleurs, la présidente de l’association organisatrice a exprimé sa profonde déception face à l’indifférence croissante envers ces enfants, devenus une présence banalisée dans le paysage quotidien de nos rues, comme s’ils étaient des êtres invisibles ou comme s’ils n’appartenaient pas à la société.
L’intervenante a ensuite rappelé que les droits de l’enfant interpellent la conscience humaine à l’échelle mondiale, non seulement parce que l’enfant est un être humain ayant des droits comme tout autre individu,mais également parce qu’il appartient à une catégorie d’âge qui nécessite une attention et une protection particulières. Elle a également souligné que le Conseil des Droits de l’Homme des Nations Unies considère que les enfants vivant dans la rue ou dans des espaces publics jouissent de tous les droits énoncés dans la Convention relative aux Droits de l’Enfant et doivent donc bénéficier de sa protection.
Par ailleurs, elle a noté que les associations de la société civile, bien qu’engagées dans la défense des droits de l’enfant, ne disposent d’aucune autorité leur permettant d’intervenir au-delà des limites légales, ce qui ne suffit pas à enrayer un phénomène largement répandu au Maroc, et en particulier dans les grandes villes.
Mme Arif a ensuite mis en lumière les drames quotidiens vécus par ces enfants, exposés à l’exploitation sexuelle et contraints à la mendicité ou à la délinquance, subissant des violences et risquant de contracter diverses maladies.
Le problème des jeunes qui, après avoir atteint l’âge de 18 ans, quittent les centres de protection de l’enfance sans aucune prise en charge a été également évoqué par l’intervenante qui s’est interrogée sur leur sort à leur sortie de ces centres, sur les mécanismes de suivi et les institutions responsables de leur accompagnement pour éviter qu’ils ne retournent dans la rue.
Enfin, elle a insisté sur l’importance d’identifier les causes profondes de ce phénomène de société et de mettre en place des stratégies préventives, impliquant toutes les parties concernées, y compris les institutions et les associations de la société civile.
Pour sa part, Fatima Chaâbi a souligné que, bien que plusieurs associations s’intéressent à cette problématique, l’effort de la société civile ne suffit pas. La protection de l’enfant relève d’abord de la responsabilité de la famille et de l’État. Elle a noté que, malgré l’adhésion du Maroc aux conventions internationales sur les Droits de l’Enfant, l’absence de statistiques officielles sur le nombre d’enfants en situation de rue complique la tâche. Elle a mentionné des chiffres non officiels estimant à environ 30 000 le nombre d’enfants âgés de 5 à 15 ans vivant dans la rue au Maroc, et s’est interrogée sur leur devenir en l’absence de mesures de protection adéquates.
Mme Chaâbi a ensuite précisé que les causes de ce phénomène sont multiples : orphelinat, familles éclatées, décrochage scolaire, avec des conséquences directes telles que la privation d’éducation, la délinquance, la toxicomanie et la traite des êtres humains.
Elle a par ailleurs insisté sur la nécessité d’intégrer ces enfants dans des centres de formation professionnelle et autres pour éviter qu’ils ne retournent dans la rue après avoir quitté les centres d’accueil à 18 ans.
Elle a ensuite appelé les ministères de la Jeunesse, de la Culture et du Tourisme à jouer un rôle actif dans la lutte contre ce phénomène, au lieu de laisser cette mission uniquement au ministère de la Solidarité et de la Famille.Elle a aussi relevé le manque d’attention médiatique dont fait l’objet la problématique des enfants en situation de rue.
Dans son intervention, Maître Jawad Bouzid a affirmé que la société est devenue insensible à la présence d’enfants des rues, considérant cela comme étant un fait normal. Il a souligné que la responsabilité principale pour résoudre ce problème incombe aux autorités officielles malgré les efforts du tissu associatif.
Par ailleurs, l’intervenant a insisté sur l’obligation pour l’État d’accueillir les enfants signalés en situation de rue, d’enquêter, d’intervenir, et de les prendre en charge. Il a aussi plaidé pour la création d’un tribunal de l’enfant, et pour un meilleur encadrement, des structures d’accueil alternatives.
Il a par ailleurs évoqué le droit de ces enfants à un logement sûr et à une prise en charge complète, mettant en avant l’importance de l’adoption et d’autres formes de protection, ainsi que la gratuité de l’assistance juridique pour les enfants abandonnés ou victimes de violences.
Après toutes ces interventions, l’assistance a longuement débattu de cette problématique, insistant sur l’urgence qu’il y a à renforcer les compétences des associations et former des médecins spécialisés en psychiatrie infantile pour accompagner ces enfants. Il a également été proposé la création d’un fonds national pour financer des centres d’hébergement et la mise en place d’un numéro vert pour signaler les cas d’enfants en situation de rue.
Le colloque a été clos par une émouvante cérémonie en hommage à plusieurs personnalités pour leur engagement dans la protection de l’enfance et en faveur des droits des enfants.Il s’agit de Mme Seloua Benkirane, présidente de l’Association Tigueminou pour l’assistance aux enfants et aux femmes en situation difficile , Dr. Fatima Chaâbi, présidente de l’Association Terre des Enfants, M. Tijani Hamzaoui, directeur de la Commission régionale des droits de l’Homme à Agadir, M.Mohamed Baraka,journaliste,Mme Nisrine Laâssili, Avocate stagiaire au barreau d’Agadir-Laâyoune et Mme Khaoula Faïd, coordonnatrice générale de l’Association La Voix de l’Enfant de la région de Casablanca.
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