
Lettre ouverte à Monsieur le Chef du gouvernement: Le retrait du projet de réorganisation du CNP de la Chambre des conseillers..
Lettre ouverte à Monsieur le Chef du gouvernement..Nous vous prions d’agréer, Monsieur le Chef du gouvernement, l’expression de nos salutations respectueuses » pour votre intervention pour le retrait du projet de réorganisation du CNP de la Chambre des conseillers.
Nous avons le regret, en tant qu’organisations syndicales et professionnelles, de vous faire part de notre profonde indignation face à la persistance du gouvernement à mettre en œuvre le plan de passage en force du projet de loi 26.25 portant réorganisation du Conseil national de la presse, en le soumettant à la Chambre des conseillers et le présentant devant la Commission de l’enseignement, des affaires culturelles et sociales de ladite Chambre, dans la matinée du lundi 9 septembre 2025, après son adoption par la Chambre des représentants en un temps record.
Cette démarche a été rejetée quasi absolu par l’ensemble des organisations syndicales et professionnelles représentant les journalistes et les éditeurs, par les organisations de défense des droits humains, les associations de la société civile ainsi que par la majorité du spectre politique et syndical national, suscitant une profond mécontentement parmi de larges catégories du corps médiatique et journalistique de notre pays.
Alors même que nous comptions, Monsieur le Chef du gouvernement, sur une révision de la décision de faire passer ce projet, compte tenu de son rejet massif par les professionnels, en ce sens que le principe du dialogue et de la négociation n’a eu lieu ni avec la commission provisoire chargée de la gestion du secteur de la presse et de l’édition, ni avec le ministère à l’origine de l’initiative législative, et que ce principe a été détourné par des déclarations du ministre de tutelle affirmant que le gouvernement s’est fondé sur ce que lui a été présenté par la commission provisoire comme étant une consultation, ce que contestent et réfutent les organisations de poids du secteur, nous sommes surpris de voir le gouvernement persister, contre la volonté des professionnels et de leurs organisations représentatives, à vouloir faire adopter ce projet.
Nous savons, Monsieur le Chef du gouvernement, que l’exigence de réforme est partagée par nous tous ; encore faut-il qu’elle bénéficie d’un consensus avec les professionnels et leurs représentants effectifs.
Nous ne saurions concevoir que votre gouvernement fasse adopter une loi qui, dépourvue d’effet, de soutien et d’adhésion de la part des professionnels, resterait lettre morte.
Elle serait, dès lors, privée de toute légitimité ou crédibilité sur le terrain, en somme, un effort législatif sans objet.
Les mémorandums, communiqués et déclarations des organisations les plus représentatives et les plus présentes dans le secteur s’accordent unanimement sur le fait que ce texte, tant par ses références, son contexte, ses finalités que ses dispositions, contrevient aux dispositions de la Constitution, aux fondements de l’État de droit, à la philosophie et à l’essence même de l’autorégulation. De même que ses dispositions sont incompatibles avec les autres textes de lois en vigueur dans le pays, notamment l’article 28 de la Constitution, outre le Code de la presse et de l’édition.
Nous considérons même que la manière dont la commission provisoire a entraîné le gouvernement dans ce dossier appelle de votre part une intervention urgente et un examen approfondi pour mesurer l’ampleur du préjudice causé à votre gouvernement et à son image.
Au moment où plusieurs institutions constitutionnelles se penchent sur la question pour rendre leur avis consultatif sur ce projet, à la demande de la Chambre des représentants, nous constatons que votre gouvernement, contrairement aux attentes des organisations syndicales et professionnelles du secteur de la presse et de l’édition et de l’opinion publique médiatique, a l’intention, en dépit de cette volonté collective, de faire adopter le projet en s’appuyant sur la majorité numérique à la deuxième Chambre, comme cela a été le cas à la Chambre des représentants ; et ce, par esprit d’entêtement et d’obstination, pour satisfaire une volonté politique et économique étroite d’une catégorie restreinte, de présence et de poids limités dans l’équation médiatique nationale, sans évaluation objective des effets économiques, sociaux et professionnels, sans une lecture attentives de l’étape, du contexte géopolitique, et des responsabilités régionales et internationales du Maroc et de son image en matière de droits humains au plan interne et à l’échelle mondiale.
C’est ce qui nous pousse, Monsieur le Chef du gouvernement, à attirer votre attention et, dans le même temps, à vous demander de faire primer la raison et le respect des dispositions de la Constitution, de donner pleine effectivité à l’État de droit, ainsi qu’à la philosophie et à l’essence de l’autorégulation ; et d’intervenir pour mettre un terme, immédiatement et sans délai, au plan visant à faire adopter ce projet, dont l’esprit revient à transférer le Conseil national de la presse à des personnes bien déterminées et connues, par la volonté du pouvoir exécutif ou sous sa supervision.
Considérant, Monsieur le Chef du gouvernement, que le projet :
– a été élaboré en dehors d’une démarche de participation effective, à rebours de son ancrage constitutionnel, en particulier les articles 25, 27 et 28, et porte atteinte aux principes d’indépendance et de démocratie;
– n’a pas fait l’objet de publication proactive sur le site du Secrétariat général du gouvernement, parallèlement à la non-publication des recommandations de commission provisoire de la presse, laquelle a recouru à ce qui est appelé un mécanisme de concertation en contradiction avec les résultats de l’accord social tripartite (30 avril 2022 et 30 avril 2024) ;
– impose de manière arbitraire deux modalités contradictoires de représentation au sein du Conseil : l’élection pour la catégorie des journalistes et la nomination pour les instances des éditeurs ; et subordonne en outre la représentativité à des critères de chiffre d’affaires et d’effectifs d’employés, ce qui confère aux grandes entreprises la mainmise sur les décisions du Conseil, exclue les petites et moyennes entreprises médiatiques et porte atteinte au principe de la représentativité, des voix et des références au sein du Conseil ;
– adopte le scrutin individuel ouvert pour l’élection des représentants des journalistes, un mode qui ne garantit pas l’équité de la représentation et constitue un recul manifeste par rapport à l’expérience de 2018 qui était fondée sur des listes syndicales et qui avait assuré un équilibre représentatif ;
– entérine une approche de contrôle, une mesure qui affaiblit l’indépendance de l’exercice du journalisme et en restreint la liberté ;
– favorise une organisation de « grands éditeurs », en lui conférant des pouvoirs administratifs, exécutifs et disciplinaires, en contradiction avec les dispositions de la Constitution, notamment les articles 8, 11 et 12, ainsi qu’avec les engagements internationaux du Maroc en matière de libertés syndicales et de représentation professionnelle.
Pour ces raisons et bien d’autres, nous vous demandons, Monsieur le Chef du gouvernement, d’intervenir sans délai afin de retirer le projet de la Chambre des conseillers et de le ramener à la table du dialogue social sectoriel, puis de le soumettre de nouveau, après concertation et consensus, à la chambre sur la base de l’article 78 de la Constitution, eu égard à sa nature économique, sociale et professionnelle.
Les signataires :
– Abdelkabir Khchichine, Président du Syndicat national de la presse marocaine
– Mahtat Rakas, Président de la Fédération marocaine des éditeurs de journaux
– Mohamed El Wafi, Président de la Fédération nationale de journalisme, de l’information et de la communication – Union marocaine du travail
– Abdelouahed El Hattabi, Secrétaire général national du Syndicat national des médias et de la presse – Confédération démocratique du travail
– Abdelwafi Harraq, Président de la Confédération marocaine des éditeurs de journaux et des médias électroniques

Suivez nos dernières actualités sur Google News