
Entretien avec Dr Mohamed Bizrane: La Mémoire vivante de Raïs Saïd Achtouk
À l’occasion de la première édition de l’université d’été dédiée à l’art de « Tirwaissa » , organisée le 6 septembre 2025 au Centre Culturel Saïd Achtouk à Biougra, dans la province de Chtouka Aït Baha, nous avons rencontré Dr Mohamed Bizrane, chirurgien et directeur de la clinique « La Résidence » . Fils du légendaire Raïs Saïd Achtouk, il nous livre un témoignage intime sur l’héritage artistique et humain de son père.
Q. Cette rencontre se tient dans un lieu hautement symbolique. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?
R. Effectivement, cette rencontre culturelle se déroule dans un centre qui porte le nom de Raïs Saïd Achtouk. Elle commémore le 36ᵉ anniversaire de son décès, survenu le 7 septembre 1989. Le centre a récemment été rénové et comprend désormais une salle de conférence, un théâtre et une salle de cinéma, toutes conformes aux normes professionnelles. C’est un espace digne de l’héritage qu’il représente.
Q. Comment décririez-vous l’héritage artistique de votre père?
R. Son héritage est tout simplement inestimable. Il aborde des thèmes universels: la société, l’amour, la beauté… Il a été surnommé par des poètes et chercheurs amazighs tels que Mestaoui et Assid, le « chanteur de l’amour ». Il a composé de nombreuses chansons qui n’ont jamais été enregistrées. J’ai entrepris de les rassembler afin qu’elles soient éditées et qu’une biographie complète puisse voir le jour. D’ailleurs, un film est actuellement en préparation pour retracer sa vie et son œuvre.
Q. La Fondation Saïd Achtouk joue-t-elle un rôle dans cette préservation?
R. Absolument. La Fondation a été créée dans ce but précis: préserver, valoriser et transmettre cet héritage. Elle œuvre à compléter le livre écrit par le poète et écrivain El Mestaoui, en vue de son édition. Nous envisageons également la création d’une école des Rwaiss, d’une Maison de l’artiste, et d’un musée dédié à l’art des Rwaiss, situé à Bizourane, dans la commune de Sidi Boushab. Ce sera un lieu de mémoire et de transmission pour les générations futures.
Q. Et sur le plan personnel, quel souvenir éducatif gardez-vous de votre père?
R. Notre relation était empreinte de tendresse et de respect. Il ne m’a jamais imposé quoi que ce soit, ni puni. Il expliquait, proposait, et me laissait libre de choisir.
Un jour, je me suis faufilé dans sa chambre à Dhéira, rue Chemkh: la maison des artistes. Je jouais avec le « Ribab » et le « Lotar » aux côtés du regretté Raïs Bizmaoun, tout en tenant mon cahier d’histoire-géo. Mon père m’a surpris, mais au lieu de me gronder, il m’a conseillé avec sagesse:
« Mon fils, cette route que tu débutes, je l’ai parcourue avec tout ce qu’elle implique… Pour l’instant, ton chemin est celui des études. Applique-toi, termine-les, et ensuite tu décideras. »
Après mon baccalauréat, j’ai d’abord choisi l’agronomie, mais il m’a orienté vers le domaine social, vers la médecine. Grâce à ses conseils, je suis devenu médecin. C’est là toute la grandeur de son éducation: une transmission fondée sur l’écoute, la liberté et la vision.

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